
Nommé vice-président France lors de l’ouverture des bureaux de Brandwatch en France, Bertrand Saint Martin a réalisé l’essentiel de sa carrière dans l’industrie et en Asie (oui c’est un zeugme). Sa trajectoire professionnelle l’amène à porter un regard original sur le marché de la veille et le rôle de l’information au sein de l’entreprise. Un entretien qui décape.
(disclaimer)Avant toute chose, sachez que Brandwatch fait partie de mes outils de veille préférés. La souplesse des requêtes possibles permet de nettoyer le bruit et de remonter des signaux pertinents via une interface agréable et lisible. Donc, je pars avec un a priori favorable.
Un a priori conforté par Vizia2, une nouvelle plateforme de visualisation de données éditée par Brandwatch. Un dashboard de visualisation du plus bel effet dédié au data-telling ou data storytelling, à vous de choisir. Vizia2 qui est d’ailleurs le prétexte à rencontrer Bertrand Saint Martin.
En tant que nouvel entrant sur ce marché, il est inévitable de lui demander sa note d’étonnement sur le marché de la veille. Et là, ça décoiffe. « La France est un marché puissant et porteur. C’est bien là le premier problème. Les entreprises ont bien compris qu’il était important d’utiliser le social listening, de faire de la veille et, pour certaines marques la réflexion sur le sujet est très poussée. Mais, contrairement aux autres pays, les entreprises françaises éparpillent leurs outils de veille – souvent différents – entre les services, entre les filiales. Résultat, les données recueillies ne sont pas consolidées. Pour le dire autrement, si la réflexion est poussée, l’exécution est faible. A l’inverse, les anglo-saxons déploient de vraies machines de guerre en centralisant les investissements et l’information pour capitaliser sur les best-practices. »
Du social listening au social intelligence marketing
S’ensuit l’exemple de très grandes marques – sous NDA – qui utilisent le social listening comme outil de marketing stratégique, « Cette marque utilise l’écoute des réseaux sociaux pour détecter des signaux faibles sur l’évolution des comportements de consommation alimentaire. En fonction des données recueillies, croisées avec des études de marché, ils n’hésitent pas à produire de nouvelles gammes de produits pour répondre aux tendances détectées. Dans ce cas, les investissements issus de la veille se compte en millions d’euros… » Les personnes affectées aux études traditionnelles (quali/quanti) sont progressivement basculées vers l’analyse du social listening, « avec à la clé 50% d’économie par rapport aux études traditionnelles », précise Bertrand Saint Martin.
Ecouter la respiration sociale
Pour lui, la veille et le social listening bien employés sont des techniques de détection des lignes de force des changements sociétaux, du plus terre à terre au plus profond, une sorte d’étude du Zeitgeist cher à Hegel : « étudier les motivations des consommateurs de tel ou tel produit, l’humeur sociale du moment, les aspirations du citoyen…Ces sujets intéressent de plus en plus les investisseurs soucieux d’anticiper et devrait aussi inciter les politiques à écouter et surtout accompagner les mouvements de fonds en cours. Toutefois, chacun aura compris que la France accuse là aussi un léger retard…
Le social listening est un engagement profond : il faut écouter et mettre une gouvernance et des process en place.
Un retard expliqué en partie par une erreur de positionnement des éditeurs selon Bertrand Saint Martin : « nous avons fait des erreurs et n’avons pas réussi à convaincre nos clients de l’importance stratégique liée à l’écoute. Nous vendons des mentions et nous trébuchons sur les scénarios de départ en faisant l’impasse sur les projets stratégiques. La bonne démarche est de se mettre d’accord sur la stratégie et de voir comment l’entreprise peut s’aligner dessus. Par ailleurs, nous avons aussi des compétiteurs qui vendent de jolis dashboard, mais sans aucune portée stratégique. »
De l’aéronautique à l’écoute sociale : la modélisation avant toute chose
Par le passé, Bertrand Saint Martin œuvrait à la transformation d’industrie très lourde, en l’occurrence l’aéronautique. Un secteur où le changement des process business et de la culture du management engagent une entreprise sur plus d’une dizaine d’années. Cette transformation passe par une modélisation très poussée en guise de viatique pour accompagner et anticiper les changements.
Un réflexe d’ingénierie transposée au social listening dont l’analyse s’appuie sur des modèles d’échanges, d’influence et de propagation entre autres. Des modèles qui prennent forme avec Vizia, l’outil de visualisation de Brandwatch dont Bertrand Saint Martin est persuadé qu’il peut participer de la transformation d’une entreprise : « au fil du temps je m’aperçois que ce type d’outil permet de contextualiser la donnée et ainsi favoriser son partage et sa compréhension. Souvent des beaux dashboards réalisés avec soin par un analyste parle seulement à ce dernier. Un manager peut interpréter la donnée maladroitement et conduire à des erreurs d’appréciation et donc de mauvaises décisions. Ce qui est typiquement le cas de nombreuses « social room ». Notre ambition est de fournir une visualisation intelligible par tout un chacun afin de casser les silos. Un patron d’une grande entreprise me disait récemment, « je veux modéliser les conversations de machine à café de mes équipes. » Pourquoi cette ambition ? En travaillant sur de la donnée structurée et non structurée, en la croisant, cela permet de faire émerger de l’implicite, de contextualiser et ainsi de favoriser le changement. »
Vous l’aurez compris, pour le vice-président de Brandwatch, le social listening est un enjeu stratégique pour les industriels et les marques, que ce soit en gestion de crise, accompagnement du changement, détection de signal faible ou autre. Pour lui le « retour sur investissement est juste énorme » à condition de bien comprendre que « le social listening est un engagement profond : il faut écouter et mettre une gouvernance et des process en place. » Chassez l’industriel, il revient au galop.