
S’adapter pour traverser la crise. C’est sans doute le message en creux à retenir du rendez-vous Adobe Expérience Makers qui s’est tenu le 8 novembre dernier. Emaillée de retours clients, Crédit Agricole, FDJ, La Maison du Chocolat entre autres, cette conférence a été pour Adobe l’occasion d’assurer la promotion de ses plateformes marketing (CDP, Experience Cloud…), mais aussi de partager un retour d’expérience sur sa propre transformation dans un contexte de turbulences.
Adobe a choisi le très germanopratin Mazarium au cœur de l’institut de France pour échanger le temps d’une après-midi sur l’expérience client et autres retours d’expériences marketing.
Dès l’ouverture par Sophie Yannicopoulos, le ton était donné. L’acronyme V.U.C.A, oublié durant l’euphorie post-pandémie est bien présent sur la slide d’ouverture. Le monde est bien redevenu volatil, incertain, complexe et ambigu. Et les entreprises sont condamnées à naviguer à vue dans ce brouillard d’incertitudes.
L’enjeu lui n’a pas changé : comment maintenir la croissance ?
En corollaire, comment créer, maintenir une relation client stable et durable. S’il n’a pas changé, cet enjeu de la relation client se pose avec une nouvelle acuité. Comment faire ? Comme le rappelle Sophie Yannicopoulos, il convient de revenir aux fondamentaux de la relation client et s’appuyer sur les deux piliers que sont la confiance et la connaissance et personnaliser une relation en apportant de la valeur.
Créer la confiance, serpent de mer du marketing, repose sur le couple des valeurs portées par la marque en plus de l’expérience client, tandis que la connaissance repose sur la prise en compte du contexte client pour une interaction positive pour les deux parties.
Ces deux piliers sont d’autant plus importants que le client a évolué si l’on en croit la récente étude publiée par Adobe. Il refuse de se laisser catégoriser dans un segment figé, ses goûts changent au fil des jours et ses désirs évoluent. En un mot, chacun souhaite être connu, mais surtout reconnu dans sa singularité et sa volatilité. Si possible en temps réel et avec une interaction pertinente.
Personnalisation : 83 % des entreprises à la peine
Dans ce contexte, nombre de marketeurs reconnaissent leur impuissance à satisfaire ces exigences et à personnaliser l’expérience client à la hauteur des attentes. Seuls 17 % des marques sont en capacité de fournir un parcours personnalisé affirme Adobe. Pour Karine Bourguignon DGA Client du Crédit Agricole, « Les méthodes d’hier ne suffisent plus pour s’adapter au client, ce n’est pas lui qui change, c’est nous qui sommes inadaptés. » Le diagnostic est posé avec lucidité.
Les réponses à ces symptômes sont diverses. Pour Le Printemps par la voix de Maud Funaro, directrice de la transformation du Printemps, cela passe par une « réhumanisation » de la relation client et un retour au commerce de proximité, mais omnicanal, dans un lieu propice à une expérience unique, le bâtiment historique du Printemps, un lieu physique augmenté par les canaux digitaux (social shopping ou autre) et incarné par un social shopper ; sorte de Virgile du parcours client.
Pour la Française des Jeux, l’approche expérientielle passe par « une traque des données physiques et digitales. » Physiques en digitalisant les jeux à gratter via un QR code pour poursuivre le parcours du billet de jeu physique à la poursuite en ligne.
La CDP : l’outil ultime de la personnalisation
Pour Adobe et au vu de ces constats, « il faut arrêter de mettre en œuvre des stratégies de segmentation et de ciblage » comme le rappelle la CEO de l’éditeur. Les modèles anciens ont vécu et les nouveaux tardent à apparaître, mais feront appel à la CDP ou plateforme de données clients.
Pour faire simple, une CDP capte chaque interaction du prospect ou client lors de son parcours et enrichit à cette occasion son profil. Autrement dit, avec une CDP, la granularité de l’information de first party, (recueillie par la marque de différentes sources : mobile, site web, magasin, réseaux sociaux…) est poussée au niveau unitaire. En termes de segmentation, cela signe un passage de la cohorte à celui de l’individu, par exemple avec une segmentation RFM (récence, fréquence, montant) par canal. En d’autres termes, cela pourrait être considéré comme de l’ABM en temps réel.
Fort de ces informations, le marketing peut progressivement déployer une personnalisation avancée à l’échelle et l’enrichir progressivement en collectant des informations en créant de nouvelles interactions à l’aide des pratiques marketing classiques (couponing, emailing, quizz etc.). Un cercle vertueux à condition d’orchestrer ses campagnes d’activation sans apporter de valeur au client.
Le contenu : plus que jamais au centre de la relation client
Au-delà de l’outil, CDP et CRM, la garantie d’un parcours client fluide et pertinent passe, plus que jamais, par un contenu engageant posté au bon moment au bon endroit. Sur ce point, Adobe maîtrise sans conteste la chaîne globale de production de contenus, de la création à la mesure en passant par les workflows associés. La recension des solutions au sein d’Experience Cloud serait fastidieuse,
La démonstration de leur usage par Moët Hennessy a été parlante. La marque traite les contenus pour 25 maisons et milliers de produits, des contenus poussés vers plus de 100 marchés différents. Pour traiter ce contenu à l’échelle, la robustesse et efficacité de la plateforme sont un prérequis minimal.
Se transformer pour maintenir la croissance : l’exemple d’Adobe par Adobe
Pratice what you preach aurait pu être la chanson accompagnant le retour d’expérience d’Adobe sur sa propre transformation. À l’occasion de son quarantième anniversaire, l’éditeur est revenu sur son pivot vers un nouveau business model. Un business model fondé sur trois leviers :
- Attirer de nouveaux clients et étendre son portefeuille produit
- Privilégier le revenu récurrent qui représente aujourd’hui 93 % du C.A : l’abonnement en lieu et place de la licence
- Construire un nouveau modèle opérationnel fondé sur la data pour mieux comprendre les clients
En utilisant ces trois leviers, Adobe est le premier client d’Adobe. Ce qui lui permet d’éprouver à la fois les process, les technos, de mesurer via des KPIs partagés, et d’avoir un volant RH important en abattant les silos, en favorisant la diversité et la montée en compétence. L’application d’une organisation data driven et client centric à l’œuvre. Évidemment, tous les outils maison sont utilisés pour assurer l’acquisition et la personnalisation.
Dans ce cadre, l’alignement du parcours client , des équipes et des KPIs relève des best pratices.

Dans la slide ci-dessous, Adobe démontre l’utilisation de sa plateforme pour assurer la personnalisation de sa relation client. CDP, CRM, datalake et autres outils sont mis à contribution pour avoir une vision unifiée du client et assurer une activation en temps réel.
Quel bilan ? les résultats d’Adobe sont évocateurs. À commencer par le site adobe.com, lieu de passage unique pour le client :
- 22 milliards de pages vues par 970 millions de clients.
En termes de valorisation, Adobe est le « géant discret » de la Silicon Valley :
- 149 Mds de dollars de valorisation
- 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022 (vs 4,4 en 2011)
- Une action à 325 $ contre 32 en 2011.
Quels enseignements à l’issue de cette transformation ? Pour Olivier Binisti, 5 insights :
- Stratégie : préserver le statu quo n’est pas une option
- Vision : une fois élaborée, il faut garder le cap
- RH : s’entourer de talents diversifiés
- Exécution : suivre et mesurer le changement
- Culture interne : fédérer et surcommuniquer
Concilier croissance et respect de l’environnement : la quadrature du cercle
Pour clore l’après-midi, Inès Leonarduzzi est venue effectuer une piqûre de rappel sur les enjeux climatiques et environnementaux et le numérique. L’antagonisme de facto entre les dispendieux dispositifs numériques, physiques et virtuels, et l’affolement climatique est bien entendu dans toutes les têtes. Si le diagnostic est connu de tous, « être de bons ancêtres » relève de l’injonction paradoxale dans un univers où des marques « vendent des produits qui n’existent pas, dans un univers qui n’existe pas à des personnes qui ne sont pas réelles ».
Vous avez reconnu le métavers, ce relai de croissance dont personne ne veut hormis des opérateurs qui trouvent dans ce fantasme solutionniste une opportunité de se refaire une santé financière #oupas.
Pour autant, la prise de conscience suscite de nouveaux comportements et les valeurs RSE, l’économie circulaire et autres trajectoires vertueuses cheminent dans les business plans et mentalités. Le consommateur est attentif et exigeant envers les marques et leur respect de la planète et de l’humanité. Reste aux marques à aligner valeur, au-delà des obligations de la loi Pacte, et comportement. Elles ont tous les outils, il n’y a plus qu’à.
Pour aller plus loin :
[…] client et à la personnalisation. Vous pouvez lire un compte-rendu de cette après-midi sur mon blog perso /. Plusieurs moments sont a retenir, que ce soit sur l'importance du contenu, mis en exergue par le […]