
Comprendre le fonctionnement du cerveau pour mieux écrire, c’est la promesse du nouveau livre de Jean-Marc Hardy avec « Rédaction et Neurosciences », paru aux éditions Eyrolles. En huit chapitres et autant de QCM, l’auteur synthétise et vulgarise l’apport des neurosciences à la pratique de la rédaction. Ou plutôt, l’effet, au vrai sens du mot, des styles et de forme sur l’activation des perceptions. Une lecture utile pour les rédacteurs, mais aussi pour toute personne désireuse de maîtriser ses effets de discours.
Disons-le tout de suite, j’ai pris un vrai plaisir à lire ce livre. Pourquoi ? Comme tous les « écrivants » bien sûr pour découvrir de nouvelles connaissances et améliorer ma pratique de l’écriture. Pour le premier point et sur le fond, j’ai peu appris. À la décharge de Jean-Marc Hardy, le sujet m’intéresse depuis toujours. A contrario, un lecteur peu au fait du cerveau et de l’intrication entre corps et esprit trouvera largement son bonheur. Sur le second point, mieux écrire, il faut que je travaille encore et encore 😊
Hacker le cerveau pour toucher le lecteur ?
Comme le rappelle l’auteur, les mots ont le pouvoir de nous toucher corps et âme. « Et le Verbe s’est fait chair », les mots nous affectent positivement ou négativement, et ce sont bien les effets du verbe (et de l’image) sur le cerveau que l’auteur inventorie à des fins pratiques pour « manier la plume comme une épée ». Cette promesse se décline en huit chapitres et autant d’actions à mettre en œuvre :
- respecter la réalité physiologique de vos lecteurs ;
- parler à toutes les parties du cerveau pour une efficacité décuplée ;
- toucher les cellules de vos lecteurs, leur mettre l’eau à la bouche ;
- les émouvoir, les faire frissonner ;
- leur offrir de l’empathie et provoquer la leur ;
- toucher leur mémoire, graver vos messages ;
- les motiver, les pousser à l’action ;
- les hypnotiser, parler à leur subconscient.
Après un rappel de la cartographie et physiologie du cerveau et de sa formidable plasticité, ainsi que le démenti de quelques mythes – non nous ne sommes pas multitâches, nous avons tous un cerveau identique, les fameux 10 % seulement utilisés du cerveau (c’est faux) –, reste l’information principale et centrale du premier chapitre.
« Nous verrons plus loin que le cerveau ne fait pas vraiment la différence entre la réalité imaginée et la réalité perçue. Dans les deux cas, ce sont les mêmes neurones qui s’activent pour se faire une idée du réel. Cela donne à l’écrivain un pouvoir incroyable : celui de produire une réalité dans le cerveau de son lecteur. C’est ce qui explique que nous pouvons être littéralement captivés par une fiction de 700 pages… car nous avons l’impression de la vivre. Du point de vue neurologique, quelque part, nous la vivons. »
En tant que lecteur, auditeur ou écrivant, difficile de contredire cette information. Comprendre et maîtriser cette capacité à créer une réalité est bien l’enjeu central de ce livre.
Sollicitez les sens, suscitez des émotions
Chaque perception est recomposée par le cerveau et chacun a le pouvoir de stimuler les sens par les mots. La recette livrée par Jean-Marc Hardy se résume en 5 lettres et l’acronyme VAKOG (vision, audition, kinesthésie, odorat et goût). En sollicitant ces sens par l’écriture, vous sollicitez l’imagination du lecteur en puisant dans le lexique correspondant mis en mémo dans le livre.
Du sens à l’émotion, il n’y a qu’un pas. Comment activer les neurotransmetteurs pour susciter une émotion, cette émotion qui vous permettra de toucher juste et convaincre votre lecteur, comment choisir une émotion ? Jean-Marc Hardy revient sur les travaux de l’anthropologue Paul Ekman et sa théorie des 6 émotions primaires universelles, rendues populaire par la série Lie to Me. D’ailleurs, petite erreur dans le livre, la roue des émotions est celle d’un autre psychologue, Robert Plutchik, qui considère pour sa part qu’il y a 8 émotions de base. Mais c’est un détail. Pour aller plus loin dans ce chapitre, je vous conseille de regarder ce talk de David JP Philips
Talk dans lequel il évoque aussi les fameux neurones miroirs et l’empathie abordé au 5ème chapitre. Oui, il faut autant que possible se mettre à la place de votre audience et communiquer avec fluidité en n’hésitant pas à répéter les messages clés en le déclinant.
Les deux derniers chapitres intéresseront particulièrement les copywriter, à savoir comment faire passer votre lectorat à l’action en jouant sur le rapport coût/bénéfice et le recours à des techniques d’hypnose en utilisant l’écriture.
Un guide indispensable pour comprendre ses lecteurs
Vous l’aurez compris, ce livre est indispensable pour mieux comprendre vos lecteurs et affiner votre écriture en fonction de vos objectifs sans passer de longues heures à étudier la rhétorique et les arcanes de la langue et autres figures de style (mais c’est mieux si vous le faites quand même 😊
Au-delà de cet aspect, Jean-Marc Hardy dans « rédaction et neurosciences » applique avec humour ce qu’il prône. Une écriture simple, de nombreuses histoires pour exemplifier son propos, des QCM pour faciliter la mémorisation… une application par l’exemple de son propos.
Mais la force de ce livre réside surtout dans la mise en avant de l’empathie, de la non violence dans la communication, soit la prise en compte du lecteur dans son unicité. En prônant une empathie respectueuse comme modalité de communication, l’auteur rappelle le pouvoir des mots et de sa possible nuisance. Il y a en creux une bienveillance constante dans l’écriture et le message qui sont deux garde-fous face à l’usage des techniques délivrées. Un usage positif de la devise Verbum Vincet.
Réf : Hardy, Jean-Marc; Canivet, Isabelle. Rédaction et neurosciences (Design web) . Eyrolles.