La réputation est-elle une norme, un objet ? C’est la question autour de laquelle travaille Camille Alloing avec qui j’ai eu le plaisir de m’entretenir avant les vacances à l’occasion de la parution de son ouvrage “E-reputation : médiation, calcul, émotion.” Issu de sa thèse, cet ouvrage fait un état de lieux sur la gestion de la réputation et se donne comme ambition de le poser comme sujet scientifique.
La conversation avec Camille est toujours éclairante. Loin d’être consensuel, le chercheur s’est amusé tout au long de ses travaux à déconstruire la notion de réputation telle que conceptualisée par les entreprises et autres opérateurs « d’e-reputation », les fameux nettoyeurs du web. A l’issu de ses travaux menés au sein de la Poste, le chercheur propose une méthode alternative pour bâtir sa réputation.
Vous l’aurez compris, Camille Alloing est dubitatif sur la notion de réputation proposée par la plupart des opérateurs et critique son aspect performatif du fait de prémisses techniques douteuses. Son hypothèse repose « sur le caractère normé et un ensemble de conventions qui deviennent un outil de gouvernance. » Ces conventions induisent une façon de communiquer similaires ce qui à terme mène à une reproduction des discours, mais aussi de formes et formats par effet mimétique. Cela aboutit à « économie de plateformes qui fait que Twitter s’aligne sur Facebook parce que cela fonctionne », mais aussi à une forme d’impasse communicationnelle.
Quand l’algorithme délègue les RH à l’opinion
Une impasse d’autant plus gênante que la prise de décision peut reposer sur l’interprétation d’informations issues du web médiées par des algorithmes. L’exemple type de cette dérive est la gestion des chauffeurs de VTC par UBER licenciés du fait de la notation négative par les clients, ou encore les algorithmes de trading fondés sur l’analyse des sentiments. Plus simplement, ce peut être aussi les décisions prises par une entreprise ou institution dans sa communication : « Chacun se fait une idée des publics, l’imagine de telle façon etc. Au final, le nombre de crises et plantages improbables démontre l’erreur d’interprétation. Ce que je propose c’est un moyen d’infuser des interprétations du public dans lequel l’entreprise baigne. »
E-réputation : la méthode
L’ambition de Camille, une fois éradiquée les interprétations hasardeuses et des mesures fallacieuses de l’e-réputation au travers des différents outils, est de redonner du sens à l’information collectée et amener à « une interprétation moins biaisée en redonnant un sens. » Comme il l’écrit, « plus que gérer, nous proposons une approche pour construire ses e-réputations par le prisme des publics afin de produire des stratégies de communication en adéquation avec leurs représentations,de l’organisation et de son environnement. »
Dont acte, Camille met en œuvre un modèle théorique, (figure ci-dessous), relativement classique dans le process, mais qui appliqué avec rigueur autorise une direction de l’attention des publics via l’analyse des interactions.
Un travail plus que jamais nécessaire à l’heure ou le numérique s’invite dans tous les compartiments de nos vies.
Détailler chaque étape dépasserait le cadre de ce billet, mais je vous renvoie à l’ouvrage pour piocher dedans.
Laisser un commentaire