
« Le content marketing est le seul marketing qui nous reste », annonce le gourou du marketing Seth Godin. Si la discipline est quasiment aussi ancienne que l’humanité, l’obsolescence annoncée du marketing de l’interruption accélérée par l’explosion du digital la remet sur le devant de la scène.
Grand prosélyte du contenu, le Content Marketing Institute (CMI) a réalisé un documentaire sur la passionnante histoire du marketing de contenu. En 40 minutes, le CMI revient sur la genèse de ce pan du marketing en expliquant pourquoi il est désormais incontournable.

L’argumentaire est simple. Avec l’avènement des mass-médias et de la publicité à partir des années 20-30, les marketeurs ont largement utilisé ces canaux de diffusion pour persuader et convaincre le consommateur d’acheter leur produit. La publicité règne en maîtresse absolue et l’avènement de la télévision dans les années 50 érige la pub comme levier absolu de persuasion. Les marques n’ont qu’une obsession, convaincre en martelant leur message et en citant la marque et le nom du produit autant que faire se peut.
Avec un retour sur investissement mesurable, la publicité est l’arme préférée des marketeurs. Une arme qui vient promouvoir le produit lancé après moult études et selon la fameuse loi des 4 P.
Seul hic. Les médias évoluent et les formats aussi. Certaines marques négocient ce virage avec talent. À commencer par Procter & Gamble qui, pour toucher les ménagères de moins de 50 ans a très tôt compris que la télé était du temps cerveau disponible. La marque engagera dès les années 30 des scénaristes pour créer des séries radio, puis télé, dédiée à cette cible, les fameux « SOAP opéra ».
Contourner les mass-médias : l’art de se connecter en racontant des histoires
L’évolution des médias s’accélère. Avec le digital, les marketeurs vivent un nouveau big bang. Si jusqu’alors, le métier s’appuyait sur des leviers maîtrisés et une communication descendante, l’irruption d’internet rebat les cartes du métier. Le consommateur n’est plus passif et supporte de moins en moins l’interruption. Pire pour le marketeur, les multiples forums et partages d’expérience permettent au consommateur de comparer et de s’informer – et incidemment réaliser que le produit est une commodité. De ce moment s’opère un mouvement tectonique pour les marques. Confrontées au nouveau comportement des consommateurs, à sa volatilité, à son pouvoir de nuisance, les marques ont de nouveaux impératifs : « Comment décrire la valeur de notre produit ou service de manière encore plus intelligente ? » et en corrélat, « comment se reconnecter avec notre audience en shuntant les intermédiaires que sont les médias ? »
Plusieurs réponses émergent, mais s’appuient toutes sur le même constat :
« contournons les médias en devenant un média nous-mêmes »
Une réponse lumineuse et élégante, déjà réalisée par de nombreuses marques, dont pour les plus connues John Deere, créateur du magazine dédié aux agriculteurs « The Furrow » en 1895. Suivi cinq ans plus tard par Michelin et le fameux guide, premier viatique pour l’automobiliste alors pionnier. Deux produits d’édition qui plus d’un siècle après sont toujours aussi lus et appréciés.
Ces exemples seront suivis par denombreuses marques avec parfois même des transformations du cœur de métier. À l’exemple de Red Bull qui de marque de soda deviendra en quelques années un vrai groupe de médias. Avec aussi des succès impressionnants à l’instar de Blendtec et les fameuses vidéos « Will it blend ». Avec une idée aussi simple que géniale, démontrer la qualité du produit en mixant tout et n’importe quoi (balle de golf, iPhone, iPad, etc.) dans un décor kitch, Blendtec a vu ses ventes augmenter de 2000 % et ses vidéos vues par 500 millions de personnes. Un carton à coût zéro. Les exemples font florès et comme Blendtec, des petites entreprises se transforment aussi en médias avec réussite. Si Blendtec démontre la qualité du produit, d’autres mettront en avant leur expertise pour répondre aux problèmes et questions des consommateurs. Une option prise par le pisciniste Marcus Sheridan devenu en quelques années grâce à son blog la référence absolue sur l’installation et la maintenance des piscines à travers le monde.
Nouer une relation, c’est répondre aux questions et apporter de la valeur
Chacun dans leur genre, ces marques en devenant des médias tissent et entretiennent une relation avec leur public en répondant à leurs interrogations, leurs doutes, en apportant une expertise et en traitant de sujets importants pour eux. Avec ce double bénéfice : gagner des clients, mais aussi maintenir la relation et la confiance. À condition de ne pas les décevoir.
Avec ce mouvement, les marques ont aussi compris une chose que les médias savaient : tout est intéressant pourvu que cela soit bien raconté et que cela apporte de la valeur au public. General Electric, dont l’activité est a priori peu sexy, a su vanter son expertise en prenant un angle ludo-scientifique pour montrer ses usines et expliquer au sein de master class des principes de la physique appliquée à la conception de produits. Il est possible de citer encore Coca-Cola l’autre géant du contenu, Intel avec Intel IQ etc.
Devenir un média : une aventure contraignante
La multiplication d’exemples est l’arbre qui cache la forêt. Le content marketing, brand content, le content publishing, ou autre appellation reste difficile pour les marques. Avec des raisons objectives. La première est la résolution du deuil narcissique des marketeurs : ne pas citer la marque. Être devant une marque et leur dire que l’on va produire du contenu, voir un magazine sans citer leur marque est un challenge aussi amusant qu’épuisant. Pourtant comme le relève une interview du documentaire, en plus d’un siècle, John Deere n’a été cité que 20 fois maximum dans le magazine « The Arrow »…
À cet obstacle psychologique, s’en ajoute un second. Se transformer en média requiert de l’expertise. Des scénaristes, des écrivains, des vidéastes, des créatifs de tout bord. Autant de compétences à orchestrer autour d’une histoire commune et d’une réalisation au long cours. Ce qui est le troisième obstacle du marketing de contenu : faire comprendre comme l’explique la responsable des contenus de Red Bull, que le marketing de contenu est un marathon. Plus d’un siècle pour John Deere, idem pour Michelin, plusieurs décennies pour Coca-Cola et Procter & Gamble. Pour les adeptes du ROI trimestriel, le contenu est le cygne noir du budget.

Faut-il évoquer aussi le souci de la différenciation ? Sur ce point, rien n’est vraiment nouveau sous le soleil du marketeur. À la proposition de valeur unique du produit, il faut désormais ajouter l’USP du contenu. Sur ce dernier point, tous les professionnels du contenu sont unanimes sur les recettes à appliquer :
— Comprendre les problèmes des consommateurs
— Traiter les sujets qui sont importants pour eux
— Engager des talents pour toucher une audience de niche
Pour passer à l’acter, les marques « doivent disposer d’une histoire de marque cohérente, centrale narrative, visible et différenciatrice » (Kessler) et respecter les règles du jeu, « celle du comportement humain » nous dit Marcus Sheridan et, plus important, « “accordez du respect au contenu comme une activité en tant que telle.” Il y aurait beaucoup à dire sur ce dernier point. Mais la pression sur le content marketing va s’accentuer. Restent à convaincre les services marketing à devenir des “marketing publishing”.
Pour conclure, je vous livre cette citation du documentaire :
“L’unique moyen de faire du content marketing c’est d’être soi-même une histoire.”
Pour aller plus loin, vous pouvez aussi lire Epic Content Marketing le livre de Joe Pullizzi, l’homme en orange fondateur du Content Marketing Institute.
Bonjour Fabrice. Je découvre votre blog à travers cet excellent article. Cette vidéo en français permet effectivement de vulgariser le sujet du content marketing et d’expliquer pourquoi “c’est l’avenir” (déjà le présent !) Je l’ai embarqué moi aussi dans cet article en apportant un point de vue complémentaire au vôtre : http://www.gregory-coste.fr/film-histoire-contenu-d-entreprise/
Au plaisir de vous lire à nouveau