
Depuis leur création, les conférences TED sont devenues la référence des présentations. À l’aise, drôles, émouvants, les intervenants arrivent à vous capter et vous emmener dans leur univers, quel que soit le sujet, depuis la chirurgie du cerveau, le développement personnel ou encore le marketing entre autres milliers d’interventions. Ils ont tous de l’humour, un don du storytelling et une force de conviction enviable. Des centaines de Steve Jobs (l’autre référence de la présentation) en puissance.
Pour nous autres lambdas, la présentation est souvent un exercice obligé, que ce soit en entreprise (un manager passe 78 % de son temps à communiquer en moyenne selon Henry Mintzberg), en formation ou en cours. À moins d’être un professionnel, rien n’est moins naturel que de parler en public. Mis au pied du mur, difficile de ne pas envier l’aisance des intervenants TED alors que l’on bafouille trois mots devant un auditoire perplexe…
Pour éviter ces moments de solitude, Didier Chambaretaud a le bon goût de publier « 18 minutes pour réussir votre présentation » — (ed Eyrolles). Curateur et coach de conférence TED, l’auteur partage tout au long de l’ouvrage la méthode de préparation et les secrets pour réussir une présentation à la façon TED. Pouquoi 18 minutes ? C’est le temps des conférences TED calqué sur le temps moyen d’attention d’un étudiant.
Très bien ficelé, le livre évite l’écueil des recettes toutes prêtes trop courantes dans ce type de littérature. D’ailleurs, il n’y a pas de recettes, seulement des principes et un chemin jalonné de passages obligés assortis d’un long travail de préparation. Pour nous accompagner tout au long de ce parcours et des étapes de la préparation, Didier Chambaretaud illustre chaque étape par des exemples issus de… TED et synthétise les séquences à l’aide d’acronymes assez barbares.
Les étapes d’une présentation réussie
Comme pour une entreprise, un journaliste, une présentation commencera toujours lors de la préparation par une question (ou deux). Quoi et Pourquoi ? Principe fondamental de la communication, le pourquoi est le cœur de votre intervention et ce qui en fera la force de conviction. Au même titre que l’on ne vend pas un produit, mais une expérience, de la définition de l’enjeu de votre intervention découlera le reste. Pour vous convaincre de l’importance du pourquoi, Didier Chambaretaud s’appuie sur la fameuse vidéo de Simon Sinek, postée sur ce blog il y a plusieurs années.
À partir du « pourquoi », il ne reste plus qu’à dérouler en suivant les guidelines et quatre principes d’actions :
- Commencez par le pourquoi
- Incarnez votre message
- Défendez un seul message
- Pratiquez
Ces principes posés, vous pouvez commencer à travailler afin d’être le plus « impactant » possible en ayant en tête les 6 critères suivants résumés sous l’acronyme « ACCMAR ».
- Attirer l’attention : soyez surprenant
- Être Compris : ce qui se conçoit aisément…
- Être Crédible : trouvez les bon arguments vérifiables
- Être Mémorisé : trouvez la bonne formule, la répétition et la gestuelle
- Être Accepté : suscitez l’engagement
- Être Relayé : Ted est un bon exemple
Une fois ces obstacles levés, vous serez à même de toucher votre auditoire en vous reposant sur trois critères : “attention, engagement et influence”. Ok, facile à dire. Mais pour ce faire, il vous faudra en plus disposer (ou travailler à obtenir) deux compétences, l’éloquence et l’écriture, sans oublier quelques effets de mise en scène.
Concevoir votre histoire
Cœur de la présentation : l’histoire. Depuis la nuit des temps, les histoires sont le meilleur moyen de passer un message, nous sommes câblés pour écouter et transmettre via des histoires et autres contes. Une technique bien comprise par les communicants apôtres du « storytelling » pour influencer une cible. Ça fonctionne. Comme l’explique le psychologue Jerome Bruner, « Depuis 100 000 ans les humains racontent des histoires, nous sommes précâblés pour les écouter afin de survivre et d’évoluer. » Dans une approche plus proche de Camus, « Concevoir des histoires est notre moyen d’affronter les surprises et les bizarreries de la condition humaine. » Voire de résister à l’absurde, mais c’est un autre sujet.
Pour ce passage sur le storytelling, plutôt que de faire un long paragraphe, écoutez plutôt Andrew Stanton, scénariste pour Pixar (Némo, Monstre et Cie etc.), en somme un des maîtres du genre.
Convaincu ? Un point important dans le storytelling, sans doute le plus important, est la gestion des blancs, ce moment ou le public comble l’histoire avec ses propres projections. Un bon storytelling joue de ces blancs afinn que chacun puisse se projeter dans l’histoire et la compléter. Pour vous en convaincre, le meilleur exemple de ces blancs sont les interstices laissés entre chaque case d’une bande dessinée. Le lecteur reconstituera l’action entre les deux cases. Reste à ne pas laisser trop d’espaces à combler, votre histoire deviendrait dès lors très ennuyeuse.
Pour éviter ce creux, utilisez dès lors le mode « PARFAIT »
Public : en premier
Attentes : donner envie de connaître la suite
Rêve : merveilleux, idéal, radical
Fin : commencer par la fin
Absences : absences prévues
Transgression : transgresser les règles dans le respect de principes généraux permet de renouveler l’intérêt.
En entreprise aussi l’histoire est performante. Mais ses codes ne seront pas les mêmes qu’un scénario hollywoodien.
Pour l’auteur elles se distinguent du scénario hollywoodien par 4 variantes (VMPR) :
Elle est vraie authentique et vérifiable
Elle est minimaliste
Elle comporte une tonalité positive
Elle est en rupture avec l’existant
Affronter le public, comment se préparer
Pour construire son histoire, encore faut-il avoir quelque chose à raconter (le quoi et pourquoi). Ici, l’ouvrage propose la méthode du double entonnoir pour trouver le bon message. Une technique qui consiste à poser les idées telles qu’elles viennent et les épurer petit à petit pour trouver l’idée force, en un mot, l’angle de la présentation. Surtout, ne jetez pas les idées venues au cours du brainstorming. Elles vous serviront à bâtir votre présentation.
À ce stade n’oubliez pas le principal secret d’un talk, « “le public ne veut qu’une chose, se raconter une histoire à lui-même. L’histoire que veut se raconter le public n’est pas celle de votre travail d’analyse.”
Ici aussi, découvrez une autre intervention, celle de Chris Anderson, fondateur de TED
L’émotion, où les émotions et la palette associée sont in fine ce que vous chercherez à susciter auprès du public. Sans émotion, il n’y a que de la raison, donc de l’ennui. N’oubliez jamais que votre message définitif nait d’une rencontre avec le public et l’émotion partagée. Un talk, c’est un travail collectif entre le public et vous.
C’est d’ailleurs le mérite de ce livre d’insister sur le rôle du public. Depuis la première seconde de votre présentation jusqu’à la fin, le public est l’acteur essentiel. Avoir toutes les techniques listées ci-dessus n’est rien sans un échange avec votre audience, que ce soit par votre regard ou votre jeu de scène. D’expérience, selon le public et la relation créée avec lui dépendra le succès ou non de la présentation. Dès la première seconde, tout votre être sera engagé dans ce corps à cœur avec votre public. Outre votre présence scénique, “Mettre le corps et la voix à la hauteur de la dignité de la cause” disait Ciceron, c’est votre incarnation de l’histoire et votre présence au public qui feront la différence.
Et plein d’autres choses qui sont largement détaillées dans “18 minutes pour réussir sa présentation”. Un ouvrage à lire et à appliquer pour maîtriser l’art de la présentation. Ou si vous être pressé regardez le résumé (très partiel) distillé avec humour par Yael Zinkow dans cette vidéo
@Fabricefrossard
Je n’avais pas vu votre article sauf aujourd’hui par hasard et je le trouve très bien documenté. Merci d’avoir lu le livre ! En effet, je n’aime pas les recettes fréquentes dans ce type de littérature. Tellement fréquentes d’ailleurs qu’elle n’évite pas, même pas à leurs auteurs, les erreurs courantes. Donc bravo pour votre réumé.