Depuis quelques années, l’essentielle de la prose consacrée au Cloud Computing se consacre à tenter de définir ce nouveau modèle d’informatique,(comme je l’ai fait ici) mais sans véritablement anticiper sur les changements induits par cette évolution. Après une vingtaine d’heures de conférences et plateaux sur le sujet, je vous livre quelques réflexions sur les inflexions possibles que pourrait susciter le Cloud pour le monde de l’IT, pour l’utilisateur, mais aussi en termes de création/destruction de valeur.
Le plus flagrant avec le Cloud computing est qu’il répond à une promesse longtemps faite par l’informatique : le gain de productivité. Lesquels viennent comme le notait le sociologue des organisations Charles Perrow « des avancées technologiques et des économies d’échelle, non des efforts humains. » Une description qui colle à merveille à de nombreux faits technologiques et économiques, et, en l’occurrence parfaitement au Cloud. Avec toujours ce paradoxe d’Archille énoncé par Zenon dans lequel Achille (lhumain) ne pourra jamais rattraper la Tortue (en l’occurrence le progrès dans le cas qui nous occupe). Une analogie que je dois à Forrester Research, qu’ils en soient remerciés.
Ce gain de productivité évident est du à deux principaux facteurs :
– La facilité à déployer de nouveaux services pour une entreprise
– La transparence de l’informatique dans l’entreprise
Sur ce second point, en déportant la gestion de la complexité au fournisseur distant dont le métier est d’industrialiser le service, l’utilisateur (en l’occurrence l’informatique interne) n’a plus qu’à ouvrir le robinet du service pour en profiter, sans la laborieuse phase d’installation et de maintenance.
Du point de vue du fournisseur, cette industrialisation passera, du moins en ce qui concerne l’infrastructure, par une standardisation croissante des matériels et logiciels nécessaires au fonctionnement d’un datacenter. L’enjeu est celui d’une automatisation des process d’installation et de maintenance pour augmenter exponentiellement la croissance du nombre de serveurs tout en diminuant le temps passé. Tout comme les composants du PC ou d’un smartphone sont standards, permettant de les concevoir et de les fabriquer en grand nombre rapidement, ce phénomène touchera rapidement les matériels et architectures liés au cloud. Avec à la clé, une diminution du nombre de fournisseurs. Ce qui est déjà le cas dans de nombreux secteurs qui ont réalisé ce passage vers la standardisation. Si Google n’avait pas automatisé ses process, la gestion de ses 2 millions de serveurs seraient un enfer pour les opérationnels. Et pour mémoire, il n’y a plus qu’un seul fabricant OEM de fours à micro-ondes…
Du point de vue de l’utilisateur, le gain est lui aussi évident. En utilisant les services de Cloud, il est aujourd’hui plus facile de créer une entreprise en économisant sur l’informatique interne. De la même façon, proposer un service déployé sur le cloud fait l’économie d’une partie de la chaîne de valeur (la distribution indirecte), évite potentiellement le piratage des licences en contrepartie d’un coût à l’usage, et permet de créer autant d’instances que nécessaire du logiciel sans efforts autre que dupliquer des machines virtuelles.
Un déplacement de la chaîne de valeur
En contrepartie de ses nouveaux modes de fonctionnement, certains métiers liés au fonctionnement de l’informatique interne vont disparaître. La chaîne de valeur, comme à chaque révolution industrielle se déplace : pensons aux métiers à tisser…
L’issue rêvée par les utilisateurs et les ingénieurs IT, est bien celle d’une « commoditisation » de l’informatique, au même titre que l’eau, l’électricité, l’IT devient un service transparent et le navigateur web son robinet.
L’impact sur les sociétés sera dans un premier temps purement économique : gain de productivité, effacement des coûts caché, passage des coûts d’amortissements vers les coûts opérationnels déterminés etc. Mais dans un second temps, la gestion de l’IT et des flux de données, de l’entreprise, mais aussi les flux personnels par une poignée de fournisseurs posera sans doute question. De même que des questions liées aux risques systémiques et écologiques envisageables.
Le cloud est bien un changement de paradigme en cours, dans la logique de la « réticularisation » du monde, cette mise en réseau de tous les flux informationnels et captés en tant que service. Car c’est bien là le vrai changement, la technologie devient “orientée service” comme il est dit dans le jargon IT, et à ce titre remet l’utilisateur au centre du jeu. Un bouleversement dans l’organisation des entreprises, et plus avant, dans les modèles de productivité et d’usages. Ce n’est que le début.
Laisser un commentaire